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Par : Maeghan McGaraughty 

Munni s’est mariée à 12 ans. Le médecin du village l’a demandée en mariage un jour alors qu’elle se rendait à l’école dans leur village, dans le district de Barisal, au Bangladesh. Un an plus tard, elle a donné naissance à des jumelles.

Désormais âgée de 19 ans, Munni est tout à fait consciente des répercussions de son mariage. « C’est une décision malheureuse que j’ai prise alors que j’étais jeune », explique-t-elle dans une vidéo qui raconte son histoire.

« Si je ne m’étais pas mariée si jeune, je profiterais un peu plus de la vie. Je pourrais, par exemple, étudier, travailler ou avoir de petits boulots. Mais, comme je suis mariée maintenant et que je dépends du revenu de mon mari, je suis obligée de lui obéir. »

Regarder la vidéo sur l’histoire de Munni

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Munni et son mari ne veulent pas que leurs filles fassent la même erreur qu’eux. Munni ne souhaite pas non plus qu’Ity, sa petite soeur, qui rêve de devenir ingénieur, suive son exemple.

Du fait de la pression des normes culturelles, le mariage avant 18 ans prévaut au Bangladesh. Alors que les parents de Munni ne souhaitaient pas qu’elle se marie, Ity dit ceci : « Si les parents reçoivent une bonne proposition pour leurs filles, ils les obligent à se marier ».

Pour de nombreux pères et mères, la décision concernant le mariage de leur fille est extrêmement difficile. S’ils laissent leur fille à l’école, ils devront payer une dot plus importante qui est fonction de l’âge de leur fille, une dot que des parents pauvres ne pourront peut-être pas payer.

Près de 60 % des Bangladaises sont mariées avant 18 ans. Le gouvernement du Bangladesh a désigné la prévention du mariage des enfants comme une priorité clé dans son programme de santé publique et de développement. Le mariage des enfants nuit non seulement à la santé et à l’éducation des femmes, mais aussi à leur autonomisation économique.

Les filles qui se marient jeunes « ne peuvent pas poursuivre leurs études, n’obtiennent pas d’emploi qualifié et ne sont pas respectées au sein de leur famille et de leur communauté », explique Shahana Nazneen, chercheuse pour Innovations for Poverty Action. Mme Nazneen dirige un projet de recherche qui cherche à éclairer les politiques et les interventions visant à éviter le mariage des enfants. Ce projet est financé par le programme Croissance de l’économie et débouchés économiques des femmes (CEDEF), un partenariat entre le CRDI, la Fondation William et Flora Hewlett et le Department for International Development du Royaume-Uni (DFID).

Écouter Mme Nazneen parler de la tradition du mariage des enfants et du projet de recherche

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Le projet de recherche soutenu par le programme CEDEF est une étude de suivi s’appuyant sur un essai contrôlé randomisé mené entre 2007 et 2015 sur deux types d’intervention de prévention du mariage des enfants : un programme d’autonomisation et une mesure d’incitation pour retarder le mariage.

Le programme incitatif a fourni chaque année aux foyers de l’huile de cuisson pour que les filles âgées de 15 à 17 ans ne se marient pas, jusqu’à ce qu’elles atteignent 18 ans. Cette initiative visait à compenser la hausse potentielle de la dot. Le programme d’autonomisation comportait deux volets : un volet éducatif parascolaire qui se concentrait sur les compétences fondamentales en lecture, en écriture, en calcul et en communication orale, et un volet sur les compétences sociales qui comprenait des compétences de vie et des connaissances en matière d’alimentation et de santé reproductive.

L’étude de suivi menée auprès de 19 059 filles de 460 collectivités a montré que la subvention sous forme d’huile de cuisson était l’intervention la plus efficace pour retarder le mariage et la naissance d’enfants. Les filles qui remplissaient les critères pour recevoir cette subvention étaient 20 % moins susceptibles d’être mariées avant 18 ans que les filles du groupe témoin qui ne participaient à aucun programme. Cette réduction du nombre de mariages d’enfants a entraîné une baisse de 11 % des accouchements d’adolescentes dans le groupe de filles qui avaient reçu la subvention.

Bien qu’elles n’aient plus bénéficié du programme à partir de leurs 18 ans, les femmes de ce groupe étaient 12 % plus susceptibles de fréquenter l’école à 23 ans. Rachel Glennerster, qui a codirigé le projet de recherche soutenu par le programme CEDEF en tant que directrice exécutive de l’Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab, explique que socialement, il est inacceptable d’être mariée et de fréquenter l’école secondaire, que l’on ait ou non des enfants, mais qu’il est acceptable pour une femme mariée d’aller au collège. « Si l’on parvient à faire atteindre [à une fille] le seuil de la fin de l’école secondaire sans qu’elle soit mariée, alors elle peut poursuivre ses études », déclare-t-elle.

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Trois jeunes filles se côtoient à l'extérieur d'un bâtiment.
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Pour Mme Glennerster, qui est maintenant économiste en chef au DFID, ces résultats montrent que les effets positifs du retardement du mariage après 18 ans perdurent au-delà de cet âge, ce qui permet aux jeunes femmes de s’investir dans leur carrière.

Mme Nazneen souligne que la subvention sous forme d’huile de cuisson est une mesure incitative qui peut profiter à des filles non mariées qui ne sont pas scolarisées. Ce groupe est souvent exclu des politiques de prévention du mariage des enfants, car celles-ci cherchent à maintenir les filles à l’école. En effet, les mariages d’enfants et les accouchements d’adolescentes parmi les filles non scolarisées recevant la subvention ont également diminué, bien que dans une moindre mesure par rapport aux filles scolarisées.

Le programme d’autonomisation n’a pas retardé le mariage, mais les jeunes femmes ayant participé au programme étaient plus susceptibles d’avoir un travail rémunéré que leurs homologues des autres groupes. 

L’équipe de recherche communique les résultats au gouvernement du Bangladesh et à de nombreuses organisations internationales qui travaillent sur les problèmes qui affectent la vie des filles et des femmes en Asie. Mme Nazneen, par exemple, participe à l’élaboration d’un plan d’action national pour la santé des adolescents au Bangladesh, qui amènera de nombreux ministères à travailler ensemble sur des questions liées à l’autonomisation des filles.
Assise près du village de Munni, Mme Nazneen déclare : « Nous voulons que toutes les filles... soient respectées et écoutées par leur famille, pour prendre des décisions, pas seulement pour leur famille, mais aussi pour leur communauté... et qu’elles deviennent des citoyennes respectées au sein de leur société. »

Exposé : Réduire le nombre de mariages d’enfants et accroître le niveau d’éducation des filles au Bangladesh

Apprenez-en davantage sur le programme Croissance de l’économie et débouchés économiques des femmes (CEDEF)

 

Image en haut : Anna MacDonald