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Par : Alexandra MacKenzie

Zipporah Muthoni habite à Korogocho, un établissement informel de Nairobi, au Kenya. Après la naissance de sa fille, elle a eu de la difficulté à trouver un bon emploi et à le conserver. En tant que mère monoparentale, elle devait se limiter aux emplois qui lui permettaient de travailler tout en s’occupant de son enfant, ou s’inquiéter du bien-être de sa fille pendant qu’elle était au travail.

Zipporah a survécu en faisant de petits travaux peu rémunérés dans son quartier : laver le linge, laver la vaisselle et couper et coiffer des cheveux à la maison. Elle gagnait également de l’argent en récupérant le papier dans les décharges pendant des heures d’affilée. « Imaginez, du matin au soir, vous n’obtenez que 17 shillings », déclare-t-elle [environ 20 cents canadiens]. « Ça ne suffit même pas pour acheter du pain. C’est comme aller tout droit en enfer. »

À l’heure actuelle, environ 45 % des Kenyanes âgées de 15 à 49 ans ont au moins un enfant âgé de moins de cinq ans. Pour la plupart, les services de garde ne sont pas abordables et cela empêche bon nombre d’entre elles d’atteindre leur plein potentiel économique. Zipporah rêve d’ouvrir un salon de coiffure qu’elle nommerait Zippy M’resh, parce que « m’resh » signifie « magnifique ».

Regarder la vidéo sur l’histoire de Zipporah

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Vérification de l’impact de l’accès aux services de garde

Au Kenya, l’African Population and Health Research Center (APHRC) a collaboré avec l’Institut d’étude du développement international de l’Université McGill pour déterminer si l’amélioration de l’abordabilité et de la qualité des services de garde dans les contextes urbains de pauvreté pouvait augmenter la participation des femmes à l’activité économique.

Cette étude s’inscrit dans le cadre du programme Croissance de l’économie et débouchés économiques des femmes (CEDEF), un partenariat du CRDI, de la Fondation William et Flora Hewlett et du Department for International Development du Royaume-Uni. Le programme CEDEF a pour but de trouver des solutions visant à lever les obstacles qui empêchent les femmes de participer pleinement à l’économie.

De 2014 à 2017, plus de 1 200 mères de Korogocho ont participé à un essai comparatif sur échantillon aléatoire. La moitié de ces femmes ont reçu des bons donnant accès à des services de garde subventionnés pendant un an. Ces mères avaient le choix d’inscrire leur enfant à l’un des quelque 30 centres de services de garde participants de Korogocho. Les éducateurs de la moitié de ces centres ont reçu une formation sur le développement de la petite-enfance, et leur centre a reçu du matériel supplémentaire pour améliorer la qualité et la capacité des services de garde.

Taux d’emploi accru pour les femmes et endroits sécuritaires pour les enfants

À la fin de l’année, 80 % des mères qui avaient reçu des bons les avaient utilisés. Ces femmes étaient 17 % plus susceptibles d’occuper un emploi que celles qui n’avaient pas reçu de bons. Les services de garde subventionnés leur ont également permis d’avoir plus de temps à consacrer à d’autres activités. Les mères ayant utilisé leurs bons avaient passé en moyenne cinq heures de moins chaque semaine à travailler que celles qui n’avaient pas reçu de bons, tout en gagnant le même salaire.

Les résultats étaient sensiblement les mêmes pour les mères qui avaient inscrit leur enfant à un centre recevant du soutien du projet afin d’améliorer la qualité des services et pour celles qui avaient choisi un centre n’ayant connu aucune amélioration. Il s’agit là d’un signe que le coût, plutôt que la qualité, est le principal obstacle empêchant les femmes d’avoir accès à des services de garde. Les politiques du gouvernement visant à favoriser le travail des mères devraient donc se concentrer sur la réduction du coût des services de garde, l’amélioration de leur qualité et la création d’un environnement d’apprentissage sécuritaire pour les enfants.

Les bienfaits du programme, comme la hausse du revenu des femmes et de leurs économies, ont surpassé les coûts de mise en oeuvre du programme. Ces résultats montrent que le subventionnement des services de garde constitue une stratégie rentable pour offrir aux mères de jeunes enfants la possibilité de participer à la population active et d’obtenir un revenu.

Lorsqu’on a demandé à Zipporah quel avait été l’impact du projet dans sa vie, elle a répondu « j’en tire encore des avantages parce qu’aujourd’hui, je travaille [...] et je n’ai jamais eu peur parce que ma fille est à l’école en tout temps. » Zipporah a également réussi à épargner assez d’argent pour quitter son logement d’une seule pièce et louer une maison plus spacieuse.

Cependant, de nombreuses mères célibataires de Korogocho et d’autres quartiers pauvres partout dans le monde ont encore du mal à travailler tout en s’occupant de leurs enfants.

Écouter Zipporah discuter du projet avec les membres de l’équipe de recherche.

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Transformer la recherche en possibilités

« J’espère que le gouvernement sera en mesure de réaliser que le subventionnement des services de garde est important », déclare l’intervieweuse sur place de l’APHRC, Justina Munyiva, qui aimerait qu’il y ait au moins un service de garde subventionné dans chaque quartier.

L’APHRC a organisé un atelier sur les politiques à Nairobi durant lequel les participants ont discuté des façons de transformer les résultats de la recherche en actions concrètes. Depuis la tenue de l’atelier, l’équipe de recherche a établi des partenariats avec plusieurs organisations, notamment Tiny Totos, une entreprise sociale de Nairobi, et la Fondation Aga Khan, une organisation non gouvernementale internationale, pour créer le Baby Care Consortium dans le but d’élaborer et de mettre en oeuvre des politiques fondées sur des données probantes à l’égard des services de garde.

En plus de subventionner les services de garde, la recherche soutenue par le programme CEDEF a mis en évidence la nécessité de politiques qui favorisent un bon environnement de travail pour les mères et qui leur offrent des formations en entrepreunariat, explique Milla Njeri, une agente de recherche de l’APHRC.

Ces constatations ont permis d’amorcer une discussion avec des décideurs kenyans à propos des stratégies efficaces pour accroître l’autonomisation économique des femmes tout en renforçant le développement des enfants, ce qui pourrait donner lieu à la création de politiques plus efficaces dans les années à venir.

En savoir plus sur le projet Amélioration des services de garde d’enfants afin d’accroître les débouchés pour les femmes dans les bidonvilles de Nairobi.

Lire les exposés de politique sur ce projet et sur l’économie des soins :

Image en haut : Adjacent Possibilities