Maria Sitoe est une agricultrice heureuse : cette saison, elle s'attend à récolter trois tonnes de tomates cultivées sous irrigation goutte à goutte. Madame Sitoe est présidente du Plan d'irrigation Rivoningo, dans la province de Gaza, au Mozambique. Ce plan vise à faire de la petite agriculture irriguée une activité productive et lucrative dans la province et dans tout le pays.
Plus de trois millions de petits exploitants agricoles assurent 95 % de la production agricole du Mozambique. Toutefois, le pays est vulnérable aux inondations et aux sécheresses, qui touchent gravement la production alimentaire. Pour aider à relever ces défis, les responsables du projet de systèmes d'irrigation des petits exploitants au Mozambique (FASIMO) du programme Cultiver l'avenir de l'Afrique (CultivAf) – cofinancé par le CRDI et le Centre australien pour la recherche agricole internationale (ACIAR) – ont présenté à des petits exploitants les capteurs d'humidité du sol et les détecteurs de front d'humectation Chameleon. Les détecteurs mesurent la teneur en eau du sol et peuvent être utilisés pour prélever des échantillons aux fins d'analyse du contenu en nutriments et de salinité. Le capteur Chameleon est un outil numérique qui mesure le niveau d'humidité du sol et affiche un code couleur pour l'utilisateur en fonction du degré de sécheresse du sol. Ce code est facile à interpréter, même par des agriculteurs analphabètes, et aide les petits exploitants à décider quand irriguer.
« Le capteur Chameleon nous a permis de réduire nos taux d'irrigation », a déclaré Mme Sitoe, dont le plan compte 40 membres, en majorité des femmes, et qui représente l'un des huit sites où le projet FASIMO est mis en œuvre. « Nous avions l'habitude d'arroser nos champs tous les jours, ce qui était coûteux en termes de carburant pour les pompes (34 889 méticais [MZN - la devise du Mozambique] [environ 700 CAD]), de temps et de main-d'œuvre pour couvrir 4 hectares sur une saison de culture.
Maintenant, nous n'irriguons plus que deux fois par semaine en fonction des relevés des capteurs Chameleon, ce qui réduit les coûts d'irrigation à environ 14 354 méticais (environ 288 CAD) », explique Mme Sitoe, qui cultive des tomates, des haricots, des oignons et des bananes dans le cadre du plan Rivoningo, et qui investit ses revenus accrus dans l'éducation de ses enfants et dans la construction de sa maison.
Économies d'eau et de carburant
« L'année dernière a été une mauvaise saison en raison des inondations, des ravageurs et du confinement lié à la COVID-19, qui ont réduit notre marché. Je n'ai gagné que 7 506 MZN (environ 150 CAD), mais j'espère que cette année, je gagnerai plus d'argent car je m'attends à une récolte d'environ trois tonnes de tomates », a dit Mme Sitoe.
« L'utilisation des capteurs Chameleon nous a permis d'économiser de l'eau et du carburant, tout en obtenant une bonne production dans nos champs », a convenu Berta Inácio Ngove, membre d'un autre plan à Makateco, également aidé par le projet FASIMO. Esmeraldo Julio Ngovene, chef de production du Plan d'irrigation de Makateco, a déclaré qu'avant l'introduction des technologies d'économie d'eau dans leur région, l'irrigation se faisait par intuition.
Il a expliqué que depuis l'adoption des capteurs, les agriculteurs ont réussi à réduire de moitié les coûts d'irrigation, qui sont passés de 9 470 MZN (environ 190 CAD) à 4 835 MZN (environ 95 CAD) pour l'ensemble du cycle de culture.
Mercy Rurii, administratrice de programme au CRDI, qui a soutenu le déploiement de la technologie Chameleon, a déclaré que les innovations dans les techniques d'irrigation et l'amélioration des outils de gestion de l'eau peuvent aider les petits exploitants agricoles à obtenir de meilleurs résultats en termes de productivité et de durabilité de l'irrigation.
« Les agriculteurs ont également besoin d'intrants agricoles de qualité, comme les semences et les engrais, et les bénéfices ne peuvent être réalisés que si les produits peuvent atteindre des marchés. Une utilisation et un entretien appropriés sont essentiels au fonctionnement durable et équitable des systèmes d'irrigation », a déclaré Mme Rurii.
Depuis 2020, le projet FASIMO a formé en continu plus de 400 petits exploitants agricoles et 137 agents de vulgarisation sur les pratiques améliorées de gestion des cultures, notamment la préparation des sols, la densité optimale des cultures, la lutte antiparasitaire et l'adoption d'innovations économes en eau. Le projet vise actuellement huit autres plans d'irrigation – cinq dans la province de Gaza et trois dans la province de Manica – par la mise en place de technologie permettant d'économiser l'eau.
Assurer la sécurité alimentaire
Le gouvernement mozambicain a indiqué l'irrigation comme étant une solution pour adapter l'agriculture aux changements climatiques et a déployé le Plan national d'irrigation pour irriguer 300 000 hectares de terres par an, sur une période de 25 ans. Selon Cremildo Nhalungo, directeur des services des activités économiques du district de Guija, dans la province de Gaza, ce développement devrait contribuer à stimuler la production alimentaire.
« Nous encourageons la production agricole par le développement de l'irrigation et nous soutenons les petits exploitants agricoles dans cet effort », a déclaré M. Nhalungo, qui a également expliqué que, dans le district de Guija, il existe un potentiel d'irrigation de plus de 12 600 hectares de terres. Le gouvernement a obtenu des ensembles d'irrigation goutte à goutte et des unités de pompage pour soutenir l'irrigation menée par les agriculteurs dans la région.
Monsieur Machava a déclaré que le déploiement des technologies permettant d'économiser l'eau a favorisé une utilisation efficace de l'eau par les agriculteurs, tout en réduisant les coûts et en augmentant les rendements des cultures. « L'irrigation est sans aucun doute la voie à suivre pour assurer la sécurité alimentaire, car les précipitations deviennent irrégulières et ont tendance à être intenses, ce qui signifie que même pendant la saison des pluies, il y a toujours des périodes de sécheresse et les cultures ne peuvent pas survivre », a-t-il noté.
Selon Mario Chilundo, un autre chercheur principal du projet FASIMO et chargé de cours à l'Université Eduardo Mondlane, l'irrigation aide le Mozambique à restaurer sa production agricole, qui a été détruite pendant les 15 années de guerre civile. Il a expliqué que les petits exploitants agricoles formés sont à l'origine du renforcement de la sécurité alimentaire. « Au fil du temps, un plus grand nombre d'agriculteurs ont adopté l'irrigation, à laquelle le gouvernement a donné la priorité pour assurer la sécurité alimentaire », a jouté M. Chilundo. « Les répercussions des changements climatiques ont réduit le débit d'eau dans les zones irriguées, ce qui rend idéale l'adoption de technologies économes en eau pour aider les agriculteurs à produire plus avec moins. »
CultivAf est un partenariat de 10 ans, doté de 35 millions de dollars canadiens, entre le CRDI et l'ACIAR. Ce partenariat finance la recherche appliquée visant à améliorer la sécurité alimentaire, la résilience et l'égalité des genres en Afrique orientale et australe.