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Par: Isabelle Grégoire / L’actualité
 

Glissant sur l’eau brunâtre, notre barque longe la mangrove. Une inextricable forêt de palétuviers dont les racines-échasses défendent une partie des 121 km de littoral du Bénin comme une grille. Surveillée par les hérons, les crabes et les tortues, notre embarcation est la seule à la ronde en ce midi de juin plombé de soleil. Nous sommes au cœur de la Bouche du Roy : 10 000 hectares de marais et de lagunes, là où le fleuve Mono se jette dans l’Atlantique, dans le sud-ouest du pays. 

Désigné réserve de la biosphère par l’UNESCO en 2017, ce site spectaculaire abrite 90 % de la mangrove béninoise. « Un écosystème crucial dans la lutte contre les risques climatiques, en raison de son fort pouvoir de séquestration du carbone atmosphérique », explique l’ingénieur agronome Moïse Koumassa, chargé de projet à l’ONG Éco-Bénin, mon guide durant cette excursion. « C’est aussi une barrière contre la crue des eaux et les inondations, et un réservoir de biodiversité. » 

La mangrove a pourtant perdu du terrain dans cet État tout en longueur, qui s’étire perpendiculairement à la côte sur 700 km. Malgré les interdictions, 30 % des palétuviers ont été coupés par les riverains au cours des 25 dernières années. Vivant pauvrement, surtout de la pêche et de la production de sel, ils ont transformé cette ressource gratuite en « bois de chauffe » pour fumer le poisson et cuire les aliments. Le déboisement a fini par leur nuire : les poissons, privés de leur lieu de reproduction, se sont faits rares et les pêcheurs ont perdu leur gagne-pain.  

Pour renverser la tendance, Éco-Bénin a lancé en 2016 une vaste campagne de restauration et reconverti des pêcheurs en planteurs de palétuviers. Le jour de ma visite, ils sont une vingtaine, pieds nus dans la boue grise, à travailler à la pépinière, au nord de la Bouche du Roy. D’ici trois mois, leurs plants seront repiqués dans leur habitat naturel, entre terre et mer. Et les poissons reviendront, comme ils le font peu à peu dans les 1 000 hectares déjà replantés. 

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Un homme travaille dans une pépinière de palétuviers
Isabelle Grégoire
Une pépinière de palétuviers en vue de la restauration de la mangrove.

La restauration de la mangrove est l’une des centaines de mesures retenues par le Plan national d’adaptation (PNA) aux changements climatiques du Bénin, adopté en 2022. Comme la majorité des pays en développement, cet État de l’Afrique de l’Ouest est particulièrement vulnérable aux effets du réchauffement. Au 166e rang mondial selon l’indice de développement humain (IDH), ce petit État francophone de 14 millions d’habitants dépend surtout de l’agriculture (coton, soya, noix de cajou, riz…), qui fait vivre 70 % de la population et génère 32 % de son PIB. En 2019, d’intenses inondations ont causé des pertes et dommages estimés à 123 millions de dollars.  

Si la famine ne touche pas le pays, la sécurité alimentaire n’en est pas moins menacée par la hausse des prix des denrées. Faute d’irrigation mécanique, 95 % des agriculteurs s’en remettent aux précipitations de plus en plus capricieuses, comme je l’ai constaté en début d’été. Alors que la saison des pluies était censée battre son plein, le soleil a dardé durant deux semaines, à peine interrompu par quelques heures de pluie torrentielle. 

Pour contrer ces bouleversements climatiques, le Bénin devra s’attaquer à de nombreux défis. « À commencer par la pollution », estime Edmond Totin, sociologue spécialisé en innovation agricole, rencontré sur le campus verdoyant de l’Institut international d’agriculture tropicale, en banlieue de Cotonou, la capitale économique.  

« Qu’il s’agisse des sachets de plastique qui envahissent villes et campagnes, des fripes et autres déchets qui se retrouvent dans les cours d’eau ou encore des voitures roulant avec du carburant pas toujours contrôlé, la pollution est partout », assure le sociologue. Une virée sur l’un des milliers de zems (« motos-taxis », en fon, la plus parlée des quelque 40 langues du Bénin, en plus du français) qui filent à pleins gaz dans le trafic de Cotonou suffit en effet à s’encrasser les poumons. La pollution provient aussi des maisons : comme 60 % de la population n’est pas raccordée à l’électricité, le charbon de bois est le principal combustible pour la cuisine. Ce qui accroît le taux de déforestation, parmi les plus élevés au monde. 

L’agriculture a également ses torts, convient le Plan national d’adaptation. Surtout l’industrie du coton (dont le Bénin est le premier producteur en Afrique), en raison de l’utilisation « anarchique et non contrôlée des engrais chimiques ». Le PNA souligne que ces engrais émettent de « fortes quantités de dioxyde de carbone et d’autres gaz à effet de serre, toutes choses qui renforcent le processus des changements climatiques ». Homme le plus riche du Bénin, l’actuel président de la République, Patrice Talon, a fait fortune dans le coton avant d’être élu en 2016, puis réélu en 2021.  

Partout, les initiatives se multiplient pour protéger l’environnement. Depuis la fabrication de biocharbon jusqu’au recyclage des déchets en passant par l’agroécologie et les biotechnologies. « Même si c’est encore souvent à échelle réduite, cela permet d’espérer », affirme Edmond Totin, qui a collaboré au dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). « Chose certaine, cette lutte devra intégrer une dimension de justice sociale. » 

C’est l’ambition des innombrables ONG béninoises et internationales qui s’activent du nord au sud. « La restauration de la mangrove n’aurait pas pu fonctionner sans que l’on tienne compte des populations locales qui la prélevaient pour survivre », dit Charles Mony, président fondateur de l’ONG québécoise Village Monde, qui depuis 2020 est partenaire d’Éco-Bénin pour cette restauration, soutenue par le gouvernement du Québec. « Il était urgent de les former à de nouveaux métiers ne mettant pas la végétation en péril. » Au total, quelque 500 hommes et femmes se sont ainsi reconvertis dans l’écotourisme, la pisciculture, l’agroécologie et la plantation de palétuviers. L’effet sur l’économie locale est visible, assure Charles Mony. 

La production de sel et le fumage de poisson n’ont pas disparu pour autant des zones de mangrove. Mais ces activités commencent à s’exercer de façon plus écologique, notamment grâce à des fours moins polluants et ne nécessitant pas de bois, mis au point avec le soutien financier du Centre de recherches pour le développement international (CRDI), à Ottawa. « On a conçu un modèle de foyer hybride combinant énergie solaire et déchets agricoles », explique l’ingénieur agronome Élie Padonou, de l’Université nationale d’agriculture. Avec un fabricant local de fours, le chercheur a travaillé en étroite collaboration avec les personnes qui les utilisent principalement, soit les productrices de sel.  

Pour l’instant, la technologie a été adoptée par la totalité des 300 utilisateurs de fours des 10 villages concernés, mais elle devrait bientôt essaimer dans le pays, dans la foulée de la modernisation de cette production entamée en 2022 par le Bénin. « Des fours utilisant la même technologie sont à l’essai, dit Élie Padonou. À terme, des milliers de personnes pourraient y avoir recours. »  

Autre bénéfice de ces nouveaux foyers écolos : ils permettent de réduire la charge de travail des femmes, qui n’ont plus à passer de longues heures à couper du bois. 

Le Centre de recherche et d’expertise pour le développement local (CREDEL), une ONG béninoise, s’intéresse aussi aux besoins particuliers des femmes en milieu rural, souvent ignorées des politiques d’adaptation climatique au Bénin. « Comme elles ont peu de moyens, elles subissent les effets néfastes des changements climatiques plus que les hommes », note le géographe Barnabé Hounkanrin, de l’Université d’Abomey-Calavi. 

Celui-ci a collaboré à la recherche-action pour le Développement d’une résilience inclusive aux changements climatiques et aux catastrophes (DERICC), réalisée par le CREDEL et financée par le CRDI. Cette initiative a permis d’enseigner aux femmes rurales — ainsi qu’à leurs conjoints — des techniques visant à mieux affronter les inondations et la sécheresse. Mais elle a aussi fait ressortir qu’elles travaillent beaucoup plus que les hommes, en plus d’effectuer l’essentiel des activités non rémunérées, comme le soin des enfants, la cuisine, les corvées d’eau… 

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Une femme tenant un bol d'huile de palme.
Isabelle Grégoire
Des femmes marchent des kilomètres pour transporter l’huile de palme.

« Quand les maris mettent la main à la pâte, les femmes ont plus de temps pour acquérir de nouvelles connaissances, ce qui renforce leur capacité de prendre des décisions qui leur sont favorables », explique Parfait Blalogoé, docteur en sciences de l’environnement et du climat, chef de la direction du CREDEL. 

En dépit des lois établissant l’égalité des sexes, le Bénin est toujours fortement marqué par le patriarcat et les coutumes ancestrales (mariages forcés, polygamie, excision…). Les femmes n’ont guère accès à la propriété de la terre, sont moins instruites (69 % sont analphabètes, contre 46 % des hommes) et généralement soumises à l’autorité de leur mari. « Si on a 100 pas à faire, je dirais que nous n’en sommes qu’au cinquième », reconnaît Parfait Blalogoé.  

Changer les mentalités ne se fera pas du jour au lendemain. Sur le terrain, beaucoup de participantes abattent toujours autant de boulot. Comme Anagonou Adjizohouin, une mère de six enfants qui vit dans un foyer polygame. Je la rencontre avec une trentaine de membres de la coopérative agricole d’Adjassincondri, petit village du département du Mono, à la frontière du Togo. « Mon mari travaille comme homme à tout faire et il n’est jamais là », dit-elle d’un ton résigné. Quant à sa coépouse, elle ne partage pas le même champ et travaille aussi seule, de son côté. 

Zéro pluie à l’horizon en cette matinée de juillet, mais l’humidité est écrasante. Le village d’Adjassincondri n’en bourdonne pas moins d’activité, en pleine préparation de l’huile de palme. Ce précieux liquide rouge, utilisé en cuisine et vendu dans les marchés ainsi qu’au bord des routes, permet aux maraîchères d’augmenter leurs revenus… au prix d’un intense labeur. La tête surmontée d’une lourde bassine (30 kilos !) remplie de noix fraîchement récoltées, elles doivent marcher des kilomètres depuis la forêt pour se rendre au fleuve, y laver les fruits, les débarrasser de leurs coques et les pétrir. Dans la foulée de l’initiative DERICC, les hommes du village ont toutefois acheté un pressoir pour alléger la tâche de leurs femmes, qui écrasaient auparavant les noix avec leurs pieds. 

L’équipe du CREDEL, une fois les besoins établis, a montré à près de 2 000 paysans dans huit municipalités des techniques peu coûteuses pour mieux protéger leurs récoltes — depuis les cordons pierreux freinant les eaux de ruissellement jusqu’aux semences résistantes à la sécheresse en passant par la fabrication de biopesticides.  

Je retrouve Lucas Houndolo, maraîcher à Agouagon, dans le luxuriant département des Collines, au centre du pays. Il est au champ de la coopérative agricole, au pied du nouveau forage d’eau. En cette fin d’après-midi, hommes et femmes — souvent avec un bébé accroché sur leur dos — sont en pleine séance d’irrigation. Armés de grands arrosoirs, ils arpentent les plants de crincrin (légume vert), de gombo et de piments. Régulièrement, une des femmes entonne un chant entraînant, que tous reprennent en chœur. 

Accompagné de sa femme, enceinte de huit mois, et de leur garçon de deux ans, Lucas Houndolo s’affaire à la tâche. Ce jeune papa au regard doux se dit fier d’avoir appris à concocter des engrais bios, à base de fiente de volaille, d’urine de bœuf et d’autres résidus agricoles. « Les produits chimiques que nous utilisons contribuent à la dégradation des sols et de la couche d’ozone. Avec les engrais bios, au début, le rendement est moins bon, mais il faut être patient : au final, la terre nous remerciera. » 

Les déchets agricoles servent aussi de plus en plus à la fabrication de « biochar », combustible vert remplaçant le charbon de bois. « C’est une matière accessible en abondance, qui attend juste d’être valorisée », dit Naomi Fagla Medegan, une Franco-Béninoise de 30 ans, fondatrice de Gbobètô (« ramasseur d’ordures », en langue locale), une entreprise d’économie sociale qui fabrique des briquettes à partir de coques de noix de palme et de balles de riz (l’écorce) carbonisées. 

« Ce n’est pas facile de changer les comportements, admet l’entrepreneure. Même si nos briquettes sont moins chères, les gens ont l’habitude du charbon de bois, qui cuit plus rapidement. » Ses équipes travaillent à améliorer la formule afin de doubler la production à 4 000 briquettes par jour, soit l’équivalent d’une tonne de déchets agricoles. 

Ces déchets proviennent de la fertile vallée de l’Ouémé, aux portes de Porto-Novo, la capitale, où Gbobètô a installé son usine. L’entreprise récupère aussi des matériaux de plastique pour les réduire en broyat, qui est ensuite vendu à des industriels ouest-africains. À raison d’une dizaine de tonnes de plastique par mois, elle fait œuvre utile dans ce pays où le recyclage n’existe pas officiellement. 

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Un homme asperge des chaises en plastique avec un tuyau d'arrosage.
Isabelle Grégoire
Récupération de plastique près de Porto-Novo, la capitale

Après des études en sciences politiques à Paris, Naomi Fagla Medegan a choisi de s’établir au pays de son grand-père en 2019 pour lancer Gbobètô, qui compte 30 salariés et fait travailler une vingtaine de « femmes récupératrices ».  

Alors qu’elles gagnaient auparavant leur vie en revendant des canettes, fils électriques en cuivre et bouteilles de plastique qu’elles dénichaient dans les dépotoirs sauvages de la capitale, ces femmes se sont retrouvées sans le sou lors de l’élimination de ces montagnes de détritus en 2020. Une modernisation de la gestion des ordures avait alors été entreprise à Porto-Novo, sous la houlette de la Société de gestion des déchets et de la salubrité (SGDS). La SGDS leur a aménagé trois sites à la demande de Gbobètô. « Elles ont récolté en moins de deux ans 300 tonnes de déchets, qui ont ainsi échappé à l’enfouissement : leur impact environnemental est énorme ! » dit Naomi Fagla Medegan.  

C’est à un tout autre genre de récolte que s’adonnent les femmes de la cité lacustre de Ganvié, sur le lac Nokoué, au nord de Cotonou. À bord de leurs pirogues, elles ramassent des jacinthes d’eau, une plante invasive qui se reproduit à toute vitesse.  

Née au XVIIIe siècle, Ganvié a d’abord servi de refuge à ceux qui fuyaient les razzias esclavagistes en se cachant dans les marais. Aujourd’hui peuplée de 40 000 habitants, et visitée par des touristes, cette ville sur pilotis voit son mode de vie menacé par les jacinthes d’eau, qui prolifèrent avec la pollution. D’août à décembre, celles-ci forment d’épais tapis qui entravent la pêche et la circulation des habitants, en plus de nuire à la biodiversité et à la qualité de l’eau. Une entreprise béninoise, Green Keeper Africa (GKA), a toutefois trouvé le moyen d’en tirer profit. 

Premier producteur africain d’absorbant industriel, GKA transforme la jacinthe d’eau en sacs, boudins et autres coussins capables d’éponger les fuites de polluants. « Nous avons formé environ 500 personnes, essentiellement des femmes, à la récolte de la jacinthe », dit Estève Agbota, 34 ans, directrice générale de l’entreprise. « Durant la dernière saison de prolifération, elles en ont ramassé 25 tonnes. » 

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Une jeune femme tient un bouquet de jacinthe d'eau.
Green Keeper Africa
Estève Agbota, diplômée de l’École de technologie supérieure de Montréal, dirige une entreprise qui transforme la jacinthe d’eau, une plante invasive.

Après avoir obtenu une maîtrise en génie de l’environnement de l’École de technologie supérieure (ETS) de Montréal, Estève Agbota est rentrée au Bénin en 2019. « Je voulais m’impliquer dans un projet utile pour mon pays. »  

Seule la tige de la jacinthe sert à la fabrication des absorbants, le reste est récupéré pour en faire du compost et de la vannerie. Green Keeper Africa envisage aussi d’exploiter la jacinthe d’eau pour créer d’autres produits : biochar comme fertilisant et rétenteur d’eau pour les sols agricoles, écomatériaux pour la construction, aliment pour les poissons d’élevage… 

Au-delà de toutes ces initiatives, reste un problème de taille : le manque de stations de prévisions météorologiques, tant au Bénin qu’ailleurs en Afrique. « Alors qu’aux États-Unis, on peut prévoir un cyclone longtemps d’avance et donc organiser l’évacuation des populations, nous n’avons pas cette technologie », déplore Parfait Blalogoé, du CREDEL.  

L’ONG béninoise a mis cette question en avant durant la COP27, qui s’est tenue en Égypte en 2022. Avec une note d’intention demandant le financement d’équipements météorologiques automatisés pour « réduire les risques de catastrophes et renforcer la résilience climatique ». Or, comme le souligne l’expert Edmond Totin, même si l’Afrique est l’un des continents qui contribuent le moins aux émissions de gaz à effet de serre, il n’existe toujours pas de mécanisme de financement adéquat pour les pays concernés. 

De plus en plus de voix s’élèvent également au Bénin pour rappeler l’utilité des connaissances ancestrales, liées à l’observation de la nature et transmises de génération en génération. « On doit valoriser davantage ces savoirs locaux astucieux que possèdent les anciens, dit Parfait Blalogoé. Trop souvent, les jeunes ne leur prêtent pas l’oreille, les jugeant dépassés. » Qu’il s’agisse des margouillats (lézards) qui se battent avant la pluie, des fourmis qui abandonnent le lit du fleuve avant les inondations ou des serpents qui sortent avant les fortes chaleurs, nombre de ces connaissances demeurent pourtant pertinentes et peuvent jouer un rôle dans l’adaptation aux risques climatiques. C’est en tout cas l’avis du géographe-ethnoclimatologue Akibou Akindele, 39 ans, qui y a consacré sa thèse de doctorat.  

Ses recherches lui ont permis de séparer le bon grain de l’ivraie, c’est-à-dire de rejeter les fausses croyances pour ne conserver que les savoirs fondés sur des faits avérés. « Bien sûr, ces prévisions ne se réalisent pas toujours, mais celles de la météo scientifique non plus ! » dit ce fils et petit-fils de paysans, enseignant au Département de géographie et d’aménagement du territoire du Centre universitaire d’Adjarra, près de Porto-Novo. Préoccupé par la disparition de ces savoirs, Akibou Akindele travaille à l’élaboration d’un « dictionnaire de la météorologie populaire », qui sera diffusé auprès des populations rurales.   

Dans ce pays berceau du vaudou, encore largement pratiqué, l’adaptation climatique nécessite aussi quelques petits arrangements avec les dieux. Aux quatre coins du Bénin, de nombreuses forêts ont ainsi été sacralisées pour assurer la conservation des ressources. « Les forêts sacrées sont plus respectées que les forêts classées, poursuit Akibou Akindele. Les populations obéissent plus aux pratiques ancestrales qu’aux textes réglementaires. »  

Dans la réserve de la Bouche du Roy, la divinité Zangbéto veille sur les 500 hectares de mangrove déjà sacralisés par l’ONG Éco-Bénin avec l’appui des communautés locales. Pour mieux orienter les stratégies d’adaptation climatique, « il faut coupler les données scientifiques avec les savoirs endogènes », croit le géographe. De crainte d’encourir une punition divine, plus personne ne s’aventure ici avec un coupe-coupe. 

Isabelle Grégoire s’est rendue au Bénin à l’invitation du CRDI, qui soutient l’initiative DERICC de l’ONG CREDEL ainsi que le développement de la cuisson solaire pour les femmes entrepreneures des mangroves.   

Cet article a été publié initialement dans le numéro de novembre 2023 de L’actualité.